Je m'étais fixé comme règle pour le recensement de n'insérer que des modèles français en verre produits entre 1820 et 1920. Le biberon dont il est question ci-dessous m'a posé un problème, il est effet de production belge, mais breveté conjointement par le royaume de Belgique et le gouvernement français. J'ai donc décidé de le répertorier comme je l'avais fait pour le biberon Suisse Allouard. D'autant que c'était le seul appareil présenté lors de l'Exposition Universelle de 1878...

Le seul biberon admis à l'Exposition Universelle de 1878

Monté tout en ivoire et à véritable soupape

Brevet de S. M. le Roi des Belges et du gouvernement Français

Livre d’or - L’art et l’industrie belge à l’Exposition Universelle de 1878, Lenaert Editeur, A. Lefèvre imprimeur, Bruxelles, 1879

Le biberon que nous nous faisons un devoir de signaler à MM. les médecins, est le plus hygiénique, le plus simple et le plus conforme aux besoins de l'enfant.
Par sa disposition, le lait, une fois monté, est forcément empêché de redescendre, même quand l'enfant abandonne le bout d'ivoire, il n'y a plus d'air absorbé, puisque le lait ne redescend jamais.

L'enfant n'éprouve plus aucune fatigue et n'absorbe plus aucune quantité d'air, et il boit le lait aussi facilement qu'au sein d'une bonne nourrice.
La soupape, le tube, le bouchon, et la tétine, tout est en ivoire poli ; on ne trouve plus dans le Biberon Vauthier, cet insupportable caoutchouc qui se dérange à chaque instant et, par une odeur détestable, dégoute l'enfant et fait aigrir le lait.

La tétine étant en ivoire très fin, fortifie les gencives, facilite la première dentition et remplace tous les hochets. Elle n'a pas cette odeur désagréables des tétines en caoutchouc ou en gomme qui répugnent tant aux enfants, et de plus on n'a pas à redouter l'intoxication.

Le Dr Forestier, de Lyon, signale dans la revue thérapeutique deux cas d'empoisonnement, dont un suivi de mort, survenus chez des jeunes enfants allaités au biberon, et les détails qu'il donne laissent penser que la cause ne tient qu'à l'emploi d'une tétine en caoutchouc vulcanisé. Ce serait le sulfure de carbone, employé dansl a vulcanisation du caoutchouc, qui aurait très vraisemblablement déterminé ces accidents, car ils ont la plus grande analogie avec ceux que produit l'intoxication directe avec ce corps.

Quelle approche paradoxale ! Si l'auteur souligne la nocivité du caoutchouc vulcanisé dans la confection des biberons, vantant les mérites de l'ivoire, il ne fait pas mention du tuyau meurtrier qui  l'équipe... En 1878, plusieurs médecins ont pourtant déjà alerté le corps médical sur les dangers d'un tel montage... Il est peu probable que le Dr. Forestier ait plébiscité un tel biberon...

Voici une belle représentation d'un modèle probablement artisanal. Je situe l'image aux alentours de la première guerre mondiale (avant ou après), le canotier apparu à la fin du XIXème connait un vif succès au début du XXème, le vélo et la poussette, tous comme les tenues vestimentaires appuient cette supposition.

Le modèle présent dans les mains de cette maman déjà "mûre", semble fait d'une sorte de bouteille à liqueur à long col, coiffé d'un bouchon qu'on devine en liège. La tétine est peut-être en éponge ou plus certainement en caoutchouc, difficile à dire... Il semble que le bouchon soit surmonté d'un disque en os (ou en ivoire).

Les photographies anciennes avec biberons sont bien rares, la raison de cette rareté tient au fait qu'au XIXème et bien après la première guerre mondiale, le biberon n'a pas très bonne réputation mais aussi, et peut-être surtout, qu'il stigmatise les "mauvaises mères", celles qui n'allaitent pas.

Immortaliser ce symbole reste un geste que peu de mères consentent à faire, on peut d'ailleurs se demander si cette femme est vraiment la mère de l'enfant, elle n'en est peut-être que la nourrice...

En tous cas, le bébé ne semble pas souffrir de ce type d'alimentation.

LT25 - Biberon méplat à pans en verre moulé à large goulot droit ourlé.

Biberon à soupape inscrit dans la masse sur les deux faces.

Identique au Robert 1869

H : 150 mm

LT01 - Biberon méplat à pans en verre moulé à large goulot droit ourlé avec bouchon en buis tourné monté sur liège percé de deux trous dont un muni d'une soupape en bois.
Paris 1873. Robert. Exposition universelle. Honneur à Robert à Dijon inscrit dans la masse sur une face, Marseille 1874, Robert. Société protectrice l'enfance sur l'autre. Biberon Robert sur un pan et Biberon breveté.

H : 150 mm

LT26 - Biberon méplat à pans en verre moulé à large goulot droit ourlé avec bouchon en buis tourné monté sur liège percé de deux trous dont un muni d'une soupape en bois.

Biberon . Soupape . inscrit en cercle dans la masse sur une face.

H : 150 mm

Contrefaçon

Première version avec inscriptions 1873

Contrefaçon

Alors que Robert met au point son premier biberon à soupape, d'autres, tel M. Rogers, dentiste de son état, innovent de manière fort surprenante. Ici le traditionnel hochet, objet de distraction et/ou si la matière s'y prête, d'accompagnement de la première dentition, se voit adjoindre un rôle supplémentaire : celui de biberon... Si l'idée est amusante, on peut s'interroger sur sa réelle utilité, en effet, le peu de liquide contenu dans le réservoir l'apparente plus à un gadget qu'à un biberon.

[...] M. Rogers a cherché, dans la confection de son hochet-biberon, à répondre à toutes les exigences.

Le hochet se compose de deux parties : d'un anneau destiné à être porté à la bouche, d'un réservoir dans lequel on introduit un liquide quelconque qui, à la moindre pression des gencives ou des doigts, s'élance en jet à travers deux petites ouvertures ménagées dans le bord supérieur de l'anneau. N'y laisse-t-on pénétrer que de l'air en plus ou moins grande quantité, on aura un hochet à air comprimé. On donnera la préférence à l'une ou l'autre manière de s'en servir, selon les indications.

Les personnes qui désireraient plus de renseignements, les trouveront dans une notice délivrée avec le hochet représenté ci-contre.

Rogers, William (dentiste), "Nouveau mémoire sur la première dentition", Edition Les principaux libraires , Paris, 1869