1 - Biberon Charrière |
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Frédéric
charrière fait partie de ceux qui ont marqué l'histoire du
biberon et, nous le verrons plus loin, plus largement
l'industrie naissante des instruments de médecine. Il
s'inscrit dans les recherches et perfectionnements qui,
depuis le modèle Breton, se multiplient. Chronologiquement,
il se situe après le
non moins célèbre biberon Darbo. La particularité de son
biberon réside, comme indiqué dans la Grande Encyclopédie du
XIXème siècle, page 675, dans un bout de sein en ivoire
ramolli par l'acide chlorhydrique, qui, à la condition
d'être maintenu dans l’eau tiède lorsqu'on ne s'en sert pas,
conserve la plus grande propreté unie à la flexibilité des
mamelons naturels. Pour mieux comprendre le succès de ce
biberon, il faut sans doute se tourner vers la démarche
générale de cet inventeur, qui loin de se contenter de
fabriquer des instruments plus ou moins adaptés, base ses
recherches sur l'observation de celles et ceux qui seront
amenés à utiliser son matériel... Je vous propose donc de
faire plus ample connaissance avec ce remarquable personnage
grâce à J. Drulhon. |
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Joseph Frédéric Benoit
Charrière (1803-1876)
© Coll. Académie nationale de
médecine
Biberon sabot en verre
à goulot dressé rodé.
L : 165 mm - Cont. : 120 ml
Par brevet d'invention - Ivoire flexible
Biberon
CHARRIERE Paris - 9 rue de l'école de médecine
inscrit dans la masse |
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Frédéric Charrière, qui
a été placé au nombre des ouvriers habiles et heureux, fut
le premier industriel d’instruments de chirurgie, en France
et à l’étranger. Il fut le premier aussi à avoir formé dans
ses ateliers un très grand nombre d’émules qui, plus tard,
s’établirent à leur compte et devinrent un peu ses
concurrents ; mais ils formèrent à leur tour d’autres
artisans qui tous mirent dans leur pratique quelque chose
qui venait des ateliers de la rue de l’École de Médecine. La
renommée de l’instrumentation chirurgicale française lui
doit tout.
Longtemps laissée entre
les mains des forgerons et des couteliers, la fabrication
des instruments de chirurgie n’avait pas progressé d’un pas,
ou si peu. En ce début du XIXe siècle, l’art de fabriquer
les instruments se plaça en France au-dessus de toute
concurrence, par suite des perfectionnements dus à
l’intelligence et aux travaux de plusieurs artisans
éminents. Charrière fut l’un de ceux-là, et aussi l’un des
tout premiers. Il travaillait sans relâche dans ses
ateliers, seul ou avec les ouvriers et les contremaîtres. Il
a tout de suite senti que, seul dans son coin ou dans son
magasin, il ne pourrait donner à son talent qu’une petite
part de ses possibilités. Il lui fallait aller là où
s’appliquaient les instruments qui sortaient de ses mains.
Il l’a écrit lui-même, dans l’introduction de sa notice de
1834 : « J’ai compris tout l’avantage qu’il y aurait de voir
fonctionner mes instruments. J’ai donc demandé à assister à
des opérations chirurgicales. J’ai été singulièrement
favorisé par les chirurgiens de la capitale, car tous m’ont
accueilli avec une grande bienveillance, et la plupart
m’ont, j’ose le dire, servi de maîtres ».
Ainsi, de jour en jour,
associé de plus en plus étroitement aux exploits des
chirurgiens, Frédéric Charrière devint, en quelque sorte,
l’animateur du progrès de l’arsenal chirurgical qui a
profondément marqué le XIXe siècle. Façonnés par sa main,
les instruments qui sortaient de ses ateliers acquirent une
qualité qu’ils n’avaient eue qu’imparfaitement jusqu’alors.
Il fallait entendre par là, que les nouveaux instruments,
sous le petit encombrement qu’il avait réussi à leur donner,
avaient maintenant une force et une résistance qui
permettaient aux praticiens de vaincre les grands obstacles
présentés par le corps humain. Cette solidité à toute
épreuve, ce fut la trempe de l’acier qui la leur donna,
trempe où excella notre coutelier. C’est la pensée que le
docteur Tuffier, chargé de rédiger le rapport centennal sur
les instruments de chirurgie à l’exposition de 1900, exprima
pour évoquer Frédéric Charrière et son oeuvre. Il y avait
donc bien une « qualité Charrière ».
À son talent
d’inventeur, à sa belle capacité de travail, Charrière avait
ajouté des dons exceptionnels de mécanicien et même de
solides notions de physique et de chimie. En 1842, avant de
déposer un brevet pour un nouveau système de galvanisation
des métaux, il fit et refit sans cesse des expériences pour
assouplir l’os et l’ivoire, expériences qui aboutirent en
1840 à un brevet très lucratif pour des tétines de biberons
et des bouts de seins artificiels ; il proposa même un
nouvel électro-aimant qui semble, en revanche, n’avoir pas
beaucoup retenu l’attention des électriciens.
Mais son vrai domaine,
celui où il était à l’aise et qu’il porta à l’excellence fut
la fabrication des instruments de chirurgie. Cette
industrie, pour ainsi dire, naquit en France, à Paris, plus
exactement dans ses ateliers. « Sous l’impulsion de M.
Charrière, elle a pris, il y a environ quarante ans, une
importance considérable et elle a fait des progrès
incessants. » C’est ainsi que le docteur Onimus concluait
son rapport sur les instruments au retour de l’Exposition
internationale de Vienne (1873). Charrière était à cette
date retiré des affaires, mais tous les observateurs
reconnaissaient en lui son action passée : la création et
l’animation de cette industrie française qui fut si prospère
jusqu’avant la Première Guerre mondiale.
J. Drulhon, Frédéric
Charrière (1803-1876) Fabricant d’instruments de chirurgie
et 150 ans de l’histoire d’un établissement parisien du
quartier des Cordeliers, Paris, 2008 |
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CHARRIERE (Frédéric), Brevets d'invention. Bouts de sein et
biberons en ivoire flexible,[...], Paris, 1840
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Comme
tous ses concurrents, et ceci vingt-cinq ans après le
dépôt de son brevet, Charrière sera largement imité . Ainsi l'on trouve encore des biberons "façon Charrière" dans le catalogue
pharmaceutique Falgas de 1867. Les flacons de forme sabot
(le plus souvent imités) ou droite, seront proposés en
cristal, étain semble-t-il (nous le verrons plus loin) et
plus tardivement en verre. |
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Biberon sabot en cristal
à goulot dressé rodé.
L : 170 mm - Cont. : 120 ml
Modèle type Charrière
Référence 228 du catalogue Falgas |
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DORVAULT, Catalogue pharmaceutique, Paris, 1862, page 193 |
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Extrait du catalogue Falgas - DORVAULT, "L'officine ou
répertoire général de pharmacie pratique", Paris, 1867 |
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