1 - Les
procès dans l'histoire du biberon
Sixième
et dernière partie : Robert Vs Brochard
On retrouve
la star des tribunaux, cette fois non pour un biberon mais pour un livret que
Robert aurait contrefait. Le Docteur Brochard, à qui l'on doit au 19ème de
nombreuses contributions de référence en matière de petite enfance, poursuit le
célèbre commerçant pour avoir "pillé" l'un de ses ouvrages afin d'éditer une
brochure à son nom...
Cette
brochure sera remplacée par une autre tout aussi plagiaire et fantaisiste qui
fera la publicité d'un certain ouvrage du Dr Straforelli... Devenu le nouveau
"partenaire médical" de Robert...
Publicité extraite de la
"Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur", 7ème année, 1906 |
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.C.
de Paris, 22
décembre1881 - Brochard c. Robert, Berthier et Liebault |
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Première de couverture |
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Notre recueil s'est à plusieurs reprises
occupé des biberons Robert, qui ont donné lieu à de nombreux procès soit de
marque, soit de concurrence déloyale. Il s'agit encore ici des biberons
Robert. Le fabricant de ces biberons, pour en répandre l'emploi, a eu l'idée
de faire une brochure, dans laquelle sont résumés les soins à donner à
l'enfant nouveau-né, et qui, au milieu d'autres réclames, vante
naturellement les biberons Robert. Celte brochure, tirée à un très grand
nombre d'exemplaires, devait être déposée dans toutes les mairies de France,
à titre purement gratuit, et remise à tous parents venant faire la
déclaration d'une naissance. M. Robert s'adressa, pour rédiger cette
brochure, au docteur Liebault. Celui-ci livra son travail à Berthier, qui
crut pouvoir y faire certaines additions, empruntées, du reste, par lui, à
une autre brochure, déjà publiée, par le docteur Brochard, avec lequel il
était en relation d'affaires. La brochure, contenant ces additions, fut,
paraît-il, corrigée sur épreuves par M. Robert lui-même, qui, de plus,
indiqua comme dépositaire le libraire Berthier, sans même (c'est du moins ce
que ce dernier affirme) lui en avoir demandé la permission. La brochure
parut sous le titre de : "Bulletin de l'enfant nouveau-né, ou L’art d'élever
les enfants au biberon". Elle avait, du reste, le même format et le même
aspect extérieur que la brochure du docteur Brochard, intitulée : Art
d'élever les enfants. A la suite de difficultés pécuniaires survenues entre
le docteur Brochard et M. Robert, une action en contrefaçon, à raison des
ressemblances existant entre les deux brochures, fut dirigée contre MM.
Robert, Berthier et Liebault par le docteur Brochard.
Brochure de 12 pages pour les biberons Robert, deuxième version, postérieure
au procès, circa 1900-1910
Quatrième de couverture |
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Troisième de
couverture |
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Le Tribunal
correctionnel de la Seine (8e Ch.), sous la présidence de M. CARTIER,
rendit, à la date du 1" avril 1881, le jugement suivant :
LE TRIBUNAL:
- Attendu que Brochard, en 1879, à Paris, a publié une brochure intitulée :
l'Art d'élever tes enfants ; - Attendu que, postérieurement, par les soins
de Robert, ainsi qu'il sera dit ci-après, a été publiée à Paris une brochure
intitulée : "Bulletin du nouveau-né, l'Art d'élever les enfants" ; - Attendu
que la brochure du docteur Liebault a été publiée exactement dans le même
format que celle du docteur Brochard, divisée en alinéas portant également
des titres non séparés du texte, imprimés en caractères un peu plus forts
que le texte ; - Attendu que les similitudes de litre et de forme ont été
évidemment calculées de manière à faire ressembler les deux brochures le
plus possible ; - Attendu qu'en outre, des passages entiers de la brochure
du docteur Brochard ont été copiés textuellement et reproduits dans la
brochure du docteur Liebault, passages ayant jusqu'à quinze lignes ; -
Attendu que le nombre des lignes ainsi copiées textuellement s'élève à plus
de cent ; attendu que l'on comprend que des expressions, opinions et
appréciations semblables se trouvent dans deux ouvrages traitant de la même
matière ; - Qu'il est admissible qu'un écrivain cite textuellement des
passages d'un auteur qu'il veut critiquer ou réfuter, à la charge, par lui,
d'énoncer où il a fait ces emprunts ; - Mais attendu qu'il est certain que
l'introduction mot à mot et littérale dans une brochure de vingt pages, de
plus de cent lignes pillées chez un confrère, alors qu'on n'annonce pas au
public lui avoir fait les emprunts, constitue la contrefaçon littéraire ; -
Attendu qu'il y a lieu d'examiner le rôle qu'ont joué les trois prévenus ; -
Attendu que Robert se déclare le seul coupable, qu'il avoue avoir commandé
au docteur Liebault la brochure publiée sous le nom de celui-ci, qu'il
affirme, après avoir eu le manuscrit entre les mains, avoir intercalé les
passages copiés dans la brochure de Brochard, avoir seul pris soin de
l'impression et de la distribution de la brochure, qui n'aurait pas été
vendue, mais dont il reconnaît avoir déposé dans les mairies cent mille
exemplaires pour être distribués gratuitement ; - Attendu qu'il reconnaît
ainsi avoir été l'auteur le plus actif du délit, que sa conduite est
d'autant plus inexcusable qu'il était en relation d'affaires avec Brochard
et qu'à raison de ce plagiat effronté, il y a lieu d'épuiser sur lui toutes
les sévérités de la loi ; - Attendu que Liebault prétend avoir remis à Robert
le manuscrit que celui-ci lui avait commandé, ne s'être plus inquiété de
rien el avoir ignoré les intercalations faites par Robert ; - Attendu qu'en
matière de contrefaçon la bonne foi ne se présume pas et doit être prouvée
par celui qui en excipe ; - Attendu que Liebault ne prouve nullement sa bonne
foi ; - Qu'il est peu vraisemblable qu'il n'ait pas demandé à corriger les
épreuves de la brochure, laquelle a été imprimée à Paris ; - Que s'il avait
été de bonne foi, étant averti du délit à lui reproché par l'assignation à
lui signifiée à la requête de Brochard le 11 janvier dernier, il se serait
empressé de protester contre Robert, de faire connaître sa situation à
Brochard ; qu'il n'a rien fait de tout cela ; - Attendu que Berthier ne
prouve pas non plus sa bonne foi ; - Qu'il publie "Le journal la Jeune
Mère," rédigé par Brochard ; qu'ayant une librairie médicale, il connaissait
évidemment la brochure de celui-ci ; - Qu'il prétend, en vain, que c'est à
son insu que Robert a fait indiquer sur la couverture de la brochure
Liebault
que celle-ci était en vente chez lui ; - Que, comme libraire, il a dû voir
dans le Journal de la librairie, n° du 10 juillet 1880, la brochure de
Liebault annoncée comme publiée chez lui, le 18 juin 1880; - Qu'il a dû lire
cette brochure et reconnaître le plagiat commis par Robert el Liebault,
auquel il a sciemment concouru en ne protestant pas contre l'indication de
son nom, en admettant même qu'il n'ait pas connu le tout à l'avance ; - Que,
dans tous les cas, il n'articule même pas avoir protesté vis-à-vis Brochard,
Robert et Liebault, ni depuis le 10 juillet 1880, date de l'annonce dans le
Journal de la librairie, ni même depuis le 11 janvier dernier, date de
l'assignation à lui donnée; - Que les trois prévenus ont causé à Brochard un
préjudice dont réparation lui est due : - Que le Tribunal a les éléments
nécessaires pour en fixer le montant ; - Dit que Robert, Liebault, Berthier,
depuis moins de trois ans, à Paris, ont commis le délit de contrefaçon
vis-à-vis de Brochard ; Par ces motifs, - Condamne Robert à 2000 francs
d’amende...
"Annales
de la propriété industrielle, artistique et littéraire", Paris, 1882
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