1 - Les
procès dans l'histoire du biberon
Quatrième
partie : Robert Vs Joannard & Ministère public contre Robert
Encore une
fois Robert se retrouve devant les tribunaux, encore une fois pour le système
de soupape dont il prétend être l'inventeur et qui l'a déjà opposé à
Grandjean l'année précédente... Encore une fois il sera débouté...
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image Chrisstpri
Médaille
de bronze obtenue en 1868 par E. Robert
Il s'agit probablement de la première médaille obtenue.
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Robert c. Joannard
- C. de Paris 5 mai 1877
[...]
M. Robert, ingénieur-mécanicien à Dijon, a pris, le 22 septembre. 1869,
pour un biberon a soupape, dont nous avons déjà eu occasion de parler au
sujet : 1° du procès en contrefaçon qu'il a intenté, en 1875, à M.
Grandjeau, de Robecourt ; 2° du procès qui lui a été fait à lui-même,
à Paris, par M. Goguey, successeur de M. Darbo, à raison d'annonces
inexactes qu'il avait publiées dans le Petit Journal et le Petit National.
Dans son procès en contrefaçon suivi à Dijon tant contre M. Grandjean,
fabricant à Robecourt, que contre divers débitants de Dijon, le Tribunal
correctionnel de celte ville lui avait donné complètement raison contre le
fabricant, et admis tout à la fois la validité de son brevet et la
contrefaçon. Mais, sur l'appel de M. Grandjean, la Cour de Dijon a, par
arrêt du 2 février 1876, que. nous avons rapporté à l'article 2258, t.
XXI, p. 37, repoussé la plainte en contrefaçon en se fondant, entre autres
motifs, sur ce que, l'idée de fabriquer des biberons à soupape étant
connue et ayant élé réalisée avant lui, M. Robert n'avait pu se faire
breveter que pour le genre spécial de soupape qu'il avait décrit dans sa
demande, et que, la soupape employée par M. Grandjean reposant sur un
principe différent, il n'y avait pas contrefaçon.
Se fondant sur cet arrêt qui reconnaissait la validité de son brevet, M.
Robert a introduit, devant le Tribunal correctionnel de la Seine, un nouveau
procès en contrefaçon contre M. Joannard qui employait, dans ses biberons,
le même genre de soupape consistant dans un petit cône de caoutchouc à
l'extrémité duquel était pratiquée une incision laquelle, en s'ouvrant
sous la pression de l'air et en se refermant lorsque cette pression cessait,
remplissait en effet la fonction d'une soupape. Le prévenu a opposé la
nullité du brevet en se fondant sur ce que le nom de soupape était connu
depuis longtemps et appliqué, non seulement dans différents appareils de
chirurgie, mais encore indiqué par M. Dolby dans un brevet pris pour des
biberons.
[...]
LE TRIBUNAL : - Attendu que Robert prétend que les biberons saisis chez
Joannard et qui font l'objet de la plainte sont une contrefaçon de ceux
qu'il fabrique lui-même, conformément au système pour lequel il a pris un
brevet d'invention, le 22 septembre 1869, sous le numéro 86 900 ; - Que
cette contrefaçon résulterait : 1° de l'application au biberon d'une
soupape d'aération destinée à neutraliser, à l'intérieur, le vide
produit par la succion de l'enfant, tout en faisant obstacle à l'écoulement
du liquide ; 2° de la nature même du mécanisme assurant l'introduction de
l'air et s'opposant à la sortie du liquide ; Sur le premier moyen : -
Attendu que l'idée d'introduire l'air dans le biberon, au moyen d'une
soupape, est depuis longtemps dans le domaine public, ainsi que cela résulte
des brevets délivrés, en 1845, à Libault, et, en 1868, à Dolby [...]
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[...]
que Dolby, premier breveté, aurait donc seul le droit de porter plainte en
contrefaçon, si ce mécanisme constituait une invention brevetable ; Sur la
demande reconventionnelle : - Attendu que la poursuite évidemment abusive
de Robert a causé un préjudice à Joannard qui sera suffisamment réparé
par des dommages-intérêts ; Par ces motifs ; - Renvoie Joannard des fins
de la plainte sans dépens; - Fait mainlevée de la saisie-contrefaçon
pratiquée par Robert à la date du 20 décembre 1876 ; - Ordonne la
restitution à Joannard des objets saisis et, recevant Joannard
recouventionnellement demandeur, condamne Robert à lui payer une somme de
500 francs à titre de dommages-intérêts ; - Condamne en outre Robert en
tous les dépens.
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A
trop vouloir se mettre sur le devant de la scène, Robert finit par
s'attirer les foudres de ceux dont il se sert... On note aussi par cet
arrêt, que ces pratiques sont monnaie courante dans la profession.
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Extrait
de la notice du biberon à soupape Robert
vers 1875
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Trib. correct. de
Dijon, 1er juin 1877. Ministère public c. Robert
[...] Dans sa
plaidoirie, Me PATAILLE, avocat de M. Goguey, avait relevé plusieurs autres
inexactitudes dans les prospectus et annonces de M. Robert, et notamment une
prétendue approbation de l'Académie de médecine qui n'avait jamais existé,
ainsi que cela résultait d'une lettre de son secrétaire général, M. Béclard.
- "Il paraît que le fait a ému cette Académie et qu'elle l'a signalé
au parquet de Dijon. Par suite, M. Robert a été assigné, d'office, par le
ministère public devant le Tribunal correctionnel de celte ville sous la prévention
de publication de fausse, nouvelle.
Le Tribunal, sous
la présidence de M. CIVAL, et sur les réquisitions de M. le substitut
PERROCHE, après avoir entendu le prévenu en ses explications, et son défenseur,
Me LANGERON, a rendu, à l'audience du 1er juin 1877, le jugement de
condamnation suivant :
LE
TRIBUNAL : - Vu les articles 15, § 2, du décret des 17-23 février 1852,15
de la loi du 11 mai 1868 et 463 du Code pénal dont lecture a été donnée
par le président ; - Considérant que des aveux mêmes de Robert il résulte
que c'est mensongèrement que, dans ses prospectus et annonces ayant reçu
toute la publicité possible, ledit Robert présente son biberon comme
approuvé par l'Académie de médecine avec addition d'un cachet apocryphe,
qu'il reconnaît être de pure fantaisie ; - Que ce mensonge allégué dans
un but de lucre ne saurait être excusé par celte circonstance que d'autres
industriels, concurrents de Robert, usent sans ménagements du même
subterfuge ; - Qu'il constitue une fausse nouvelle propagée de mauvaise
foi, et passible des peines édictées par le deuxième paragraphe de
l'article 15 du décret des 17-23 février 1852 ; - Considérant
qu'il échet d'admettre des circonstances atténuantes, à cette seule fin
d'écarter la peine d'emprisonnement ; Par ces motifs, - Déclare Robert
coupable d'avoir, depuis moins de trois ans à Paris, Dijon et divers autres
lieux, commis de mauvaise foi le délit de publication de nouvelles fausses
; - Admet des circonstances atténuantes ; - Et pour réparation, le
condamne à 500 francs d'amende et aux dépens de 9 fr. 66 ; - Fixe à trois
mois la contrainte par corps.
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"Annales
de la propriété industrielle, artistique et littéraire", Paris, 1877
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